ON THE JOB

Du Cool Boulot

 

 

Ce polar philippin intitulé ON THE JOB et signé Eric Matti… Eric Matti qui a déjà tâté tous les styles. Drame, horreur ou autre. Ici, il nous plonge dans une ville de Manille qui grouille de monde où corruption et règlements de compte sont la règle. Rien de bien nouveau sauf que le réal s'inspire d'un fait divers. En pleine rue, de jour, pendant le Carnaval, deux types, deux tueurs à gages, un expérimenté et son apprenti, sur leurs gardes sont sur le point d'en dézinguer un troisième Tuy, aux vu et su de tout le monde. Leur exécution commise, ils sont pris en charge dans un 4x4 noir par leur commanditaire, une femme mystérieuse qui se planque derrière ses grosses lunettes de soleil. Elle paye rubis sur l'ongle ces deux hommes de main pour ce meurtre brillamment exécuté. Un travail propre et soigné, tout ce qu’elle aime. En parallèle, un flic intègre Sergent mène son enquête pour retrouver qui a tué Tuy. Son supérieur lui apprend qu'il est destitué et que le FBI reprend le dossier. Aigri, dégoûté transmet tout à l'inspecteur du FBI qui se trouve être le gendre d'un homme politique haut placé, bras droit d'un candidat véreux aux élections sénatoriales. Le Sergent l’a vraiment en travers car il sait que ce candidat est un mafieux qui pourrait justement être au sommet d'une pyramide. En tout cas, c’est certain, il a un lien avec cet assassinat de Tuy. 

 

 

 

Le film se joue à deux niveaux puisque l'on suit en alternance ces deux couples flics et tueurs. La tension atteint son paroxysme lorsque l'élève apprenti nettoyeur déconne et que son maître de stage doit finir le travail. Les deux flics qui sont parvenus à faire équipe sont sur le point de les arrêter. En tout cas, l'étau se resserre lorsqu'il découvre que ces deux tueurs sont des prisonniers normalement incarcérés et donc employés pour tuer à l'extérieur de la taule. Qui irait les soupçonner? Super idée, pour un polar rondement mené. Ceci dit, au delà de l'aspect thriller avec tous les ingrédients que comportent en général ce genre de film, courses poursuites a pied, chasse  à l’homme, fusillades, exécution sommaire, suspicion, double jeu, trahison, le film montre comment des hommes en manque d'argent sont contraints de mener une double vie : faux taulards mais vrais tueurs, un lucratif job mais qui doit rester secret. Il est impossible d'avouer à sa femme ou sa fille étudiante en droit cette double vie. Le film interroge aussi le sens moral. Comment résister à l'argent facile quand on est flic? Oublier son sens du devoir en se laissant graisser la patte est si facile surtout dans un pays où la police corrompue et l'armée tiennent entre leurs maisn la démocratie. Ce ne sont pas les politiques qui dirigent, mais les mafias. Tel est le message délivré dans ON THE JOB et parfaitement assumé par le cinéaste Eric Matti. ON THE JOB, un polar urbain porté par une bande son bien fichue, bien électrique et très rythmée. Très plaisant. 

 

 

 

 

 

LES APPACHES

Un Western Urbain Corse

 

  

Thierry de Peretti, un corse, metteur en scène, réalisateur de courts métrages, pour son premier long, réussi ce que le suisse Basil Da Cunha n’est pas parvenu à faire avec son APRES LA NUIT, à savoir un film qui va droit au but, donc percutant. On peut faire le rapprochement entre ces deux métrages, tant le dispositif mis en place est le même dans les deux cas. On joue sur la captation du réel dans une fiction. On malmène la frontière. Mais d’un côté, il y a un film qui démarre après 45 minutes, celui de Da Cunha, un film qui repose en plus sur une situation où l’enjeu dramatique devient presque anecdotique. De l’autre, il y a LES APACHES, un film où la messe est dite en 1h20, générique inclus. C’est dire la recherche d’efficacité. Thierry de Perretti ne s’embarrasse pas d’images superflues. Il ne fait de détour, file droit au but, à savoir, la matérialisation avec des comédiens amateurs pour la plus part d’un fait divers sordide qui a secoué la Corse il y a 7 ou 8 ans: l’exécution, la mise à mort d’un ado par ses copains dans un terrain vague, à la suite d’une trahison, autant dire, un sujet qui prend aux tripes. Thierry De Peretti s’empare donc de cet évènement tragique là, pour en faire autre chose, décrypter les relations entre ces mômes, montrer ce que signifie le sens de l’honneur et jusqu’où le respect de cette valeur peut vous entraîner. Sans jamais tomber dans le spectaculaire, il privilégie l’humain plus que l’hémoglobine. Sans qu’il n’y ait aussi forcément de courses poursuite, il parvient à instaurer une tension bien palpable dans son métrage. Magie de la mise en scène. Oui, De Peretti à ce niveau-là fait des miracles. Il prend aussi et surtout le parti de montrer un autre visage de la Corse. L’île de beauté peut abriter un peu de mocheté. Ici, on n’est jamais au bord de la mer. On n’est jamais à bord de yachts. On ne bouffe jamais de poisson grillé dans des paillotes. Non, on se trimballe dans une cité urbaine, avec ces blocs de béton, ses avenues bitumées, ces zones industrielles et sa communauté marocaine, celle qui a construit cette île. On est avec Aziz et ses potes.

 

 

A l’instar des ados bourgeois chers à Sofia Coppola dans Bling Ring, Aziz et les siens squattent parfois les maisons des gaulois comme ils les appellent, des français de métropole, généralement des parisiens huppés qui s’accaparent l’île le temps de vacances d’été. Le tourisme de masse est mine de rien également épinglé par De Peretti. Le tourisme de masse, ça rapporte, mais pas à tout le monde! Une nuit, le squat dégénère. Les amis d’Aziz vomissent partout dans la maison et dérobent une chaîne Hifi ainsi que quelques DVD, bref des broutilles. Le lendemain matin, Aziz revient sur les lieux pour nettoyer la maison, mais la proprio est là. Son ami corse aussi. Pour lui, il n’est pas question de mêler la police à cette histoire. On est en Corse ici. Les affaires se règlent entre corses. Il lui suffira de passer quelques coups de fils pour que tout rentre dans l’ordre… pour la gauloise, pas forcément pour Aziz ! Efficace LES APACHES de Thierry De Peretti, un film qui a pris du temps à se concrétiser : 2 ans de casting pour trouver les bons comédiens, une réécriture du scénario en fonction des acteurs recrutés, un travail en amont pour que les jeunes apprennent à s’écouter, s’inventent un passé commun, tout ça pour qu’au moment du tournage, ces relations d’amitiés sonnent justes, qu’on est une réelle impression de cohésion au sein de ce groupe de jeunes. Pour le reste, De Peretti, l’insulaire, savait où poser sa caméra. Il savait ce qu’il voulait filmer et comment le filmer. Le résultat est franchement à la hauteur de l’ambition nourrie par le cinéaste, à savoir qu’il offre un film sec comme la Corse du Sud en été.

 

 

 

 

 

ONLY GOD FORGIVES

 

 

Il est en compétition à Cannes, le nouveau film de Nicolas Windding Refn avec Ryan Gosling intitulé : Only God Forgives, un film génial. Montrer un Ryan Gosling impuissant aussi bien sexuellement que physiquement quand il doit se battre, un gars qui dérouille, moi rien que ça, pour que les midinettes se la coincent enfin après avoir fondu pour le beau gosse de Drive, je dis bravo. Je dis plus sérieusement, Only God Forgives est un film qu’on aime ou qu’on déteste. Il ne peut pas y avoir de juste milieu. C’est donc un film réussi, le genre qui ne peut laisser indifférent. On avance en fait masqué. Voilà ce qui a déplu à la majorité des siffleurs présents dans la salle ce matin, pas habitués à ce genre de délire lancinant, sanglant.  Gaspard Noé… euh non, pardon, Nicolas Windding Refn balade sa caméra dans un bangkok comme Noé a pu le faire dans Enter The Voïd. À Tokyo….  C’est un vrai film noir mais lumineux. Chacun de ses plans se compose comme une toile de maître. Si l’éclairage, grandiose attire l’œil d’emblée, l’économie de dialogue attire l’oreille. Sans dire un mot, un combat se joue dans la salle de boxe taï de Julian, alias Ryan Gosling. Cette salle est une couverture pour masquer son trafic de drogue géré depuis les States par sa mère.

 

 

A l’issue de cette partie de boxe, son frère Billy dit vouloir aller en enfer. Il se rend dans un premier bordel. On lui présente des filles en cage. Elles ne lui conviennent pas. Il aimerait une gamine de 14 ans. Le mac lui dit que toute la marchandise dispo est là, rien de plus. Alors il demande si lui, le mac, il n’aurait pas une fille à lui, à baiser… le gars s’en va en pouffant et avant de faire 3 pas, Billy lui fracasse la tête, pénètre dans le bocal à putes et les dérouilles. On le retrouve errant dans la rue, il s’arrête devant 3 jeunes filles assises sur une chaise, sur le trottoir. Il en regarde une. Elle lui sourit. Une ellipse plus loin, la fille baigne dans son sang et Billy attend l’arrivée des flics, sans broncher. Justement, le commissaire principal débarque avec le père de la victime. Il constate le crime barbare commis par Billy et dit au père que s’il veut, il peut se faire justice lui-même. Il ne faut pas le lui dire deux fois, il massacre la gueule de Billy, le tabasse à mort. Le commissaire demande pourquoi ? le père de la victime répond. Parce que vous me l’avez autorisé. Non, pourquoi tu prostitues tes filles? Parce que je n’ai pas de garçons et j’ai besoin d’argent. Le commissaire qui a le sabre facile lui coupe une main pour qu’il se souvienne, à chaque fois qu’il regardera son avant bras amputé, qu’il a trois filles et qu’il doit les respecter, protéger et ne pas les prostituer. Tranchant, ce film est une tuerie et c’est rien de le dire. Sur un rythme extrêmement lent, le récit se poursuit. Avec l’arrivée de la mère de Julian et Billy, une femme parfaitement infâme, rigide, autoritaire incarnée par la sublime Kristin Scott Thomas, on se dit que Nicoals Windding Refn va accéléré la cadence. Non… pas question. A la manière de son délire viking dans Walalah Rising, il poursuit sur le même faux rythme, complique même le montage, triture la narration en insérant des rêveries de Julian. Il aime reluquer les gonzesses en train de se masturber. Il ne baise pas car il en est incapable. Il regarde souvent ses mains. Il déambule lentement dans un labyrinthe rouge, mal éclairé à la recherche de qui, de quoi ? De l’assassin de son frère? Sans doute. C’est le moteur de l’intrigue, mais un moteur a besoin de carburant. Nicoals Windding Refn fait le plein de tragédie grecque avec d’un coup, un film qui bifurque sur le rapport mère fils ultra compliqué, et ce n’est rien de le dire. Enfant castré par une mère qui aurait pu avoir des rapports avec son autre fils Billy, son préféré. Il faut l’entendre parler de la queue de ses deux enfants, les comparer, traiter Julian de petite bite devant sa copine, au passage une fille qui bosse dans le divertissement… Et elle à cette sortie formidable : Et vous divertissez combien de queues par jour avec votre four à bites? Dans Only god Forgives, il y a peu de dialogues mais quand ça sort, ça gicle… du sang aussi, il y en a sur l’écran, grâce à celui qu’on pourrait appeler l’équarrisseur de Bangkok, l’acuponcteur taï, le Gillette une lame, qui coupe très fin.  Il sait s’y prendre pour clouer sa proie dans un fauteuil avec des pics à glace. Ce film, c’est un peu comme si Lynch rencontrait Wong Kar Way avec ses images labyrintiques et cette sensation d’apesanteur irréelle hyper stylisée. Only God forgives de Nicolas Windding Refn, je le verrai bien au palmarès pour sa mise en scène….

 

 

 

 

 

THE MAYOR

 

 

Grosse claque hier à la Semaine de la Critique devant ce polar noir Russe de Yuri Bykov. Pas d’erreur le cinéma russe, qui n’existait plus depuis les années 90 est en train de se refaire une santé. Récemment, on découvrait Sergeï Léonitza avec des films comme My Joy ou in the Fog. Cette année, c’est avec Yuri Bykov qu’il faut compter. Pour son second long métrage, il signe un polar au scénario magistral. La journée d’enfer d’un futur papa. Sa journée commence par un coup de téléphone de l’hôpital. On l’informe que sa femme vient d’avoir des contractions. L’accouchement est pour bientôt. Il saute dans sa bagnole, roule comme un dingue, évite de justesse un accident avant de percuter un gamin à un arrêt de bus. Il shoot le môme, le tue sur le coup sous les yeux de la mère du petit. Quelle ironie du sort, devenir le meurtrier d’un enfant au moment où vous devenez père. Belle idée. Choqué, un choix s’offre à lui. Fuir ou assumer ses responsabilités. Comme il est flic, il prend la première option. Le seul témoin est cette mère. Il l’enferme dans sa bagnole, appelle un de ses collègues par téléphone et lui demande de venir pour l’aider à effacer les traces de cet accident qui pourrait le mener en prison.

 

 

Une mascarade de constat se met en place. On calme la mère, lui fait boire du cognac. On lui dit que le meurtrier de la route sera entendu au poste de police. On lui fait une prise de sang avant de l’emmener à l’hôpital avec le cadavre de son fils.

 

 

Le flic, The Mayor, le Capitaine est convoqué avec son collègue chez le commandant, un haut placé qui pactise avec un élu local soutenu par la mafia  du coin. Il veut investir dans un parking et un resto qui pourrait rapporter gros. Autant dire que cette histoire d’accident de la route ne ferait pas de la bonne publicité et que si l’effacement des traces n’a pas été exécuté dans les règles de l’art, la police des polices pourrait venir fouiner. Alors il insiste pour que l’affaire soit étouffée et correctement étouffée. Il exige que la mère signe la déposition du flic, une déposition bidonnée dans laquelle il explique qu’il roulait à vitesse normale et que c’est la mère bourrée qui a laissé son enfant traverser la route et se jeter sous la bagnole. Elle est la responsable. Bien sur qu’au commissariat, la femme, épaulée par son mari refuse de signer ce papier. Mais en Russie, on sait être persuasif. Après avoir signé malgré tout, sous la pression, son mari revient armé et les choses vont encore empirer. Le flic est désormais certain qu’il doit allé en prison. Il faut que l’hécatombe s’arrête. Tout ça, c’est de sa faute. Mais la machine est lancée. Rien ne semble pouvoir l’arrêter. Même s’il tente de se racheter, il devra faire un choix impossible entre ôter une vie et sauver celle de sa femme et de son bébé.

 

 

THE MAYOR, un scénario implacable. Rarement le suspens et la tension dans un polar n’ont été autant célébrés. Le récit se déroule sur une journée qui renforce encore l’urgence de la situation et des protagonistes près à tout pour sauver leur peau. Et dire qu’à la base, Yuri Bykov voulait juste dénoncer la cruauté du système policier. Finalement, il va au delà de ça avec ce policier pris dans un tourbillon criminel malgré lui. De dilemme moral en choix impossibles, il avance tant bien que mal, bouffé par le remord de n’avoir pas fait le bon choix juste après l’accident. La situation lui échappe, mais pas qu’à lui… à tout le monde. Mine de rien, le film aborde ainsi les problèmes de la société russe d’aujourd’hui avec une civilisation qui se désintègre. La société civile semble s’effacer au profit d’un système de clans. On se protège, on protège son clan, son business et tant pis si on doit tuer pour ça. Le film a été tourné en hivers au sud de Moscou dans des conditions météo détestables avec du matériel qui tombait souvent en rade à cause du froid. Et le réalisateur d’ajouter, seul une équipe de russes complètement allumés ouvait faire un film comme celui-ci, bosser sans manger ni  boire 10 heures par jour sou la neige… le résultat est bluffant et pour le coup, THE MAYOR pourrait bien remporter la compétition de la Semaine de la Critique cette année.

 

 

 

 

 

BEHIND THE CANDELABRA

 

 

Tel est le film présenté ce matin en compétition à Cannes, le dernier de Steven Soderberg avec Michael Douglas et Matt Damon entre autre. Un film rattrapé in extremis qui n'aurait sans doute jamais rejoint la compétition internationale si Frigide Bargeot et sa meute d'enragés homophobes n'avaient pas fait parler d'eux le mois dernier en France, avant, pendant et un peu après la votation de la loi sur le mariage pour tous. Et pour cause, le film de Soderbergh développe une love  story entre MICHEAL Douglass et Matt Damon. Le premier est le célèbre pianiste virtuose du b.bop, LIBERACE, un type plein aux as qui pète dans la soie collectionne les bagouses en plaqué or et les amants en toc. un jour, on lui présente Scott dans sa loge après un de ses concerts à Vegas. Le jeune éphèbe vétérinaire dresseur de chiens vit a la ferme dans une famille d'adoption. Le coup de foudre est immédiat mais pas forcément réciproque. Mais LIBERACE sait s'y prendre pour manipuler son monde et obtenir ce qu'il veut. Ce petit mec, il l'aura c'est certain. Et effectivement, ils finissent par vivre une belle histoire d'amour. Au début, Scott a des étincelles dans les yeux. Ce luxe, cet homme, une vedette qui le couvre de cadeaux, et bon amant avec ça, lui le bisexuel aurait tord de ne pas en profiter. Bref c'est l'extase. Mais plus leur relation avance, plus LIBERACE dirige la vie de Scott, son Big Jim à qui il commande plus ou moins directement de se faire refaire le visage. Une petite chirurgie esthétique pour ressembler a LIBERACE et incarner ce fils qu'il n'a jamais eu. LIBERACE va même jusqu'à lui proposer de l'adopter. Pour le coup le mal sain s'invite dans cette histoire. Baiser le fils qu'il n'a jamais eu? Baiser avec un type qui lui ressemble donc s'auto baiser, ce serait son truc? A moins que ce qui ne l'excite vraiment ce soit le contrôle. Oui, c'est ça : LIBERACE commande dirige, exige et obtient. Il est dans le contrôle permanent, de son image, de sa vie et de celle de son entourage. Pas question d'autoriser Scott à voir des amis en dehors de leur propriété. Pas question de sortir. Scott a de plus en plus de peine à supporter cette vie de prisonnier dans cette cage dorée certes mais une cage tout de même. Scott change et sent bien que la passion du début s'amenuise, que l'homme de sa vie se lasse et pourrait bien agir comme avec ses prédécesseurs en le dépossédant de tout ce qu'il lui a offert. Adieu confort et plaisir matériel. Mais s'il est une chose une seule qu'il ne pourra jamais lui ôter, c'est cet amour qui les a unis pendant de si longues années.

 

 

Produit par HBO, BEHIND THE CANDELABRA le dernier film de Soderbergh n'aurait jamais dû se retrouver à Cannes en compétition et encore moins être exploité au cinéma ensuite. Il était prévu une diffusion à la télé avant le festival. C'est dire si les sélectionneurs croyaient en ce film!!!! Un film prétexte pour attirer de la vedette sur le tapis rouge. Certes bien maîtrisé, emballé dans une réale taillée pour le petit écran, la mise en scène tape a l'œil ne fait pas très longtemps illusion. Décevant, mais reste que les performances de Douglas et Damon font largement la différence. Au début de leur relation, les hésitations de Damon sans cesse sur ses gardes,  craintif, les phrases à double sens de Douglas et l'assurance du prédateur dont il fait preuve, font que le duo est étincelant. D'abord assez drôle, le ton change progressivement pour laisser place au drame sentimental. Sans être totalement honteux, le dernier Soderbergh possède quelques atouts et peut être bien que Spielberg pourrait récompenser Douglas d'un prix d'interprétation féminine.

 

 

 

 

 

RENCONTRES APRES MINUIT

 

 

Le film de trop, celui qu’on va voir en se disant qu’on va s’encanailler un peu, C’est à la Semaine de la Critique. Généralement, le trash ne leur fait pas peur. Et tu ressors de la vision de Les Rencontres Après Minuit avec le sentiment d’avoir vu la palme de bouze…. Mais je pense que ça a du plaire à Agnès Varda, pas trop à Régis Wargnier… les membres du jury de la caméra d’or, puisque Yann Gonzalez signe là un premier film très théâtrale, très littéraire, très prude alors que ça se passe dans une partouze… la seule prothèse, c’est Cantona qui la déballe… il joue l’Etalon dans cette sauterie où on ne baise pas. C’est bien connu, ce sont ceux qui en parlent le plus qui en font le moins ! Ben voila, l’adage est respecté à la lettre. Disons que les participants font connaissance avant de s’envoyer en l’air au cours d’une ellipse, et on sort de cet appartement hyper moderne le temps que chacun nous raconte son histoire. Cantona dit être un poète maudit à cause de sa bite qui l’aurait empêché de suivre la voix de la poésie. L’étalon est tellement bien monté que c’est avec son membre qu’il gagne sa vie. Les mecs en sont jaloux et les filles en sont dingues. Et lorsque ce Rocco Sifredi de la rime déballe son alexandrin, sort de ce clip kangourou un membre en plastic façon prothèse de 30cm, qu’il est obligé de tenir pour pas qu’elle tombe… le plus rigolo, c’est de le voir faire semblant de fouetter Beatrice Dalle qui est de passage en flic russe dans la cellule de Cantona. Il a failli ne pas participer à la partouze à cause de sa bite… on ne sait pas vraiment pourquoi. Il est en prison, et comme il est parvenu à faire jouir Béatrice Dalle juste en faisant semblant de la fouetter, elle l’a libéré… Une ode à l’amour éternel  parait-il… avec Adam et Eve dans cette partouse épaulés par un travelo, un trio qui s’aime à la vie…la seule trouvaille, c’est le juxe box sensoriel…. Tu passe ta main sur un bout de plexiglas carré et le juxe-box joue un morceau en fonction de ton humeur, un morceau du répertoire de M83, donc une espèce de new wave très rétro… Un film à fuir, juste bon pour les branle couille, pardon les branchouilles bobos parigots !

 

 

 

 

 

WE ARE WHAT WE ARE

 

 

Une pluie battante s’abat sur la ville provoquant des inondations dans toute la région. Une femme en panique prend sa voiture et se rend chez le quincaillier en implorant Dieu que ses enfants soient épargnés. Perturbée elle sort de la boutique et s'arrête devant une affichette détrempée signalant la disparition d'une gamine. Prise de vertige, elle s'écroule et se fracasse le crâne en tombant sur une pierre. La police se rend à son domicile pour annoncer la nouvelle à son mari. Dévasté, il demande à ses deux filles et son fils de continuer à vivre comme si de rien n'était. Si elle n'est plus là, c'est que Dieu avait besoin de la rappeler. Il ordonne à la plus grande de prendre la relève et d'assurer le sacrifice de l'agneau. Chaque année pour respecter une vieille tradition de plus de 200 ans, on jeûne une semaine durant avant de se goinfrer grâce au sacrifice sauf que l'agneau n’en n'est pas un. Non, il s’agit d'une jeune fille de 16 18 ans qui fini donc en ragoût. Toute la famille est sous l'emprise du chef de clan qui impose ce rituel à sa femme et ses 3 enfants. Alors que le déluge se poursuit, le prédateur part en chasse et ramasse une jeune fille en rade au bord de la route. Elle sera l'agneau. Un avis de recherche est lancé. Une enquête de voisinage commence mais comme cette famille Parker est au dessus de tous soupçons, personne ne peut imaginer que la gamine est retenu prisonnière dans leur cave. Un matin, le médecin légiste du village, découvre par hasard dans son jardin un os humain et bouilli. Cela suffit à l’intriguer. Le commissaire le calme et lui demande de faire son deuil de sa fille disparue quelques années plus tôt. Mais l’entêté va poursuivre son investigation aidé par le jeune adjoint du shérif. Ensemble il vont découvrir le secret de cette famille Parker.

 

 

Remake d'un film mexicain anthropophage Somos lo que Haye, Jim Mikle réalise ce film de commande qui a le mérite de redistribuer les cartes. Déjà, le réalisateur conserve le carnage pour la fin et privilégie une première partie toute en lenteur, ce qui renforce le suspens. La religion, qui était vaguement présente dans l'original, prend ici un caractère important. Le plus fort, c'est d'avoir confié le rôle des deux gamines Parker à deux filles mormon, de quoi interroger pendant le tournage leur rapport à dieu et à ce genre de sacrifice barbare. Elles sont exactement comme leur personnage. Elles ne cautionnent pas les agissements de leur père mais exécutent ses moindres ordres sans broncher. Quant au gamin de 6 ans il ne s'est jamais rendu compte qu'il jouait dans un film de cannibalisme. On ne lui à rien expliqué et il se retrouve lui aussi dans la position de son personnage qui ne comprend pas tout. Le père, Bill Sage, est impressionnant. Dire encore que dans la seconde partie, lorsque l'étau se resserre autour des Parker, le père devient plus violent et le gore réaliste s'invite sur l'écran. Alors que sa fille fait l'amour avec le jeune assistant du shérif dans le cimetière familial privé, entre deux tas de cailloux servant de tombe, le père arrive sans prévenir, explose la tronche du jeune amant en 1 coup de pelle bien placé. Le sang coule à flots sur les seins de sa fille à qui il ordonne de rentrer à la maison alors qu'il commence à creuser un nouveau trou pour planquer ce cadavre tout chaud. Tout l'intérêt du film est de reléguer la police, l'enquête au second plan pour se plonger dans le quotidien de ces barjots. Impressionnant, brillant, percutant en un mot, We Are What We Are est une réussite totale.

 

 

 

 

 

GUILLAUME ET LES GARCONS A TABLE !

 

 

Tiré d'un de ses spectacles Guillaume Gallienne prend le pari de porter à l'écran ce texte pas évident dans lequel il décrit tout l'amour qu'il a pour sa mère. En fait, c'est plus compliqué que ça. Depuis son adolescence il s'est cru femme. Au grand désespoir de son père, Guillaume ne voulait pas faire de sport contrairement à ses deux frères, des modèles de virilité. Lui il aimait les femmes, leur délicatesse, leur souffle, leur démarche. Lui il se prenait pour Sissi. Lui il partait en vacance en Espagne pendant que ses frères allaient dans le Grand Canyon faire des randonnées. Lui, il apprenait la danse la sévillane.  Lui il apprenait les pas des femmes et devenait la risée des espagnols mais il s'en foutait car enfin, il était femme. On l'envoya en pension pour garçons mais rien ne changea. Lorsqu'il dû faire son service militaire, le psy de l'armée, au vu de ses déclarations l’a directement exempté non sans se foutre ouvertement de sa gueule. Il lui conseilla de diminuer les séances de psychanalyse. Plus tard il intégra une école en Angleterre. Il connut son premier coup de foudre pour un hétéro! C'est bien plus tard, au cours d'un dîner entres filles qu'il eut la révélation.

 

 

Pour un premier film, Guillaume Gallienne frappe fort, très fort. Il joue 3 rôles, celui du comédien Gallienne qui entre en scène et joue le spectacle de sa vie. A la manière d'une Camille Redouble, il joue lui ado. Il joue enfin sa propre mère, cette femme qu'il a toujours imitée. Performance d'acteur mais aussi de metteur en scène. Pour la mise en image, on sent qu'il a été particulièrement bien épaulé. On fait donc des allers retours permanents entre le monologue sur scène et les flashbacks illustratifs. Chaque retour dans le temps débouche sur un segment, une étape cruciale. Le film devient alors une succession de sketchs et autres situations toujours cocasses dopées aux dialogues hilarants. Sa mère, bourgeoise, une femme entière mais profondément grossière, est toujours présente même quand elle n'a rien à fiche là. Magie du cinéma et du surréalisme. Chacune de ses apparitions est synonyme de rire garanti. Mais derrière la poilade, il y a aussi un film grave, profond. Le portrait d'un jeune en souffrance à cause de sa famille qui l’a toujours pris pour ce qu'il n'était pas, un malentendu ravageur qui aurait pu connaître un épilogue tragique. Gallienne prend plutôt le parti de rire de tout ça et l'effet sur le public est garanti. Les éclats de rire ont succédé aux éclats de rire pendant les 90 minutes de film. Du pur bonheur.

 

 

 

 

 

WARA NO TATE

Le Copain De Pluto

 

 

Il fait des films qui ne manque pas de chien d’habitude Takashi Miike, mais là…. MORT D’UN SAMOURAI était super bien et il était en sélection à Cannes déjà en 2011. Ici avec WARA NO TATE, Un thriller au suspens mou. Un meurtre est commis par un dérangé. Il a sauvagement mutilé une fillette et jouit sur son visage. De cette scène décrite dans la presse et à la télé, on ne découvre que les pieds de la victime et une chaussure ensanglanté. Le lendemain, une pub est publiée dans le journal et qui appelle au meurtre du coupable. On sait qui c'est. Les tests ADN ont parlé. La photo de l'assassin ainsi que la promesse de 1 milliard de yen est faite par le grand père de la victime, un richissime homme d'affaires. Sur un site Internet, il explique ses motivations et rappelle que le coupable devra être jugé et la police devra prononcer l'autorisation de buter ce gars pour empocher la somme. A l'heure actuel, le coupable qui s'est livré à la police est à l'autre bout du Japon. Il faut le rapatrier à Tokyo. On nomme une équipe de pas trop looser mais pas trop de choc non plus pour assurer le transfert en espérant bien qu'au cours de ce périple en voiture, en train, en taxi, à pieds, quelqu'un parviendra à buter le salopard. Bientôt, les escortes se rendent compte que les plus dangereux sont les flics, plus que les quidams. Plus la garde rapprochée se rétrécit, plus la suspicion s'empare des personnages d'autant qu'une taupe a infiltré l'équipe et que sur le site Internet du milliardaire, on peut suivre le trajet en temps réel de ce transfert.

 

 

Grotesque et beaucoup trop manichéen. Le méchant est un salaud jusqu'au bout. A la dernière phrase, il redit à quel point il éprouve des remords et n'a qu'un regret dans cette histoire. N'avoir pas fait plus de victimes. Quant au gentil flic forcément intègre, il ne se laisse jamais corrompre. L'argent n'est pas son moteur, seul son honneur compte. Et pourtant Miike lui tend tous les pièges possibles, multiplie les possibilités pour malmener son intégrité, pour qu'il craque mais rien n'y fait. Un questionnement à deux balles pour un film qui vaut a peine plus. Peut-on s'acheter une vengeance en en appelant à la vindicte populaire? Tuer un meurtrier sert il à quelque chose en sachant que ça ne ramènera jamais la victime décédée? Jusqu'où peut on  aller sans se laisser corrompre par le fric?  Doit on protéger un salaud criminel ordure de première quand on a la possibilité de le supprimer? Les tueurs de petites filles méritent-ils de la compassion quand leur maman se suicide par désespoir?

 

 

Voilà en gros. Enfin tout ça aurait sans doute eu plus de poids si les personnages avaient été un brin plus complexes.  Résultat Hyper décevant. 2h inutiles où le pire, restera cette scène de cascade digne d'un Bruce Willis. Un camion bourré de nitroglycérine fonce sur le convoi qui transporte le prisonnier. L'un des flics fait face au véhicule et parvient in extremis a toucher le chauffeur. Le camion explose à 20m de lui et le gars s'en sort avec une égratignure et une chemise blanche impeccable même pas froissée. Difficile de croire que le réalisateur est le même Miike que celui qui nous avait bien fait maré avec Zebraman ou emballé avec Death of a samourai…. D'ailleurs c'est pas un hasard si les sifflets l'ont emporté sur les applaus a l'issue de la projection de ce matin.

 

 

 

 

 

LAST DAYS ON MARS

 

 

1er long métrage de Ruairi Robinson qui a jusqu'à présent bossé dans les FX et la pub. Il avait ce projet en tête depuis un moment. Nourri au Carpenter, au Romero et au Ridley Scott, il signe un film de SF horrifique tendance paranoïaque. Sur Mars, une équipe de scientifiques attend la relève. Après 6 mois passés à récolter de la roche et du sable en vain, l'un d'eux déterre une bactérie. Il y a de la vie sur mars. Le hic c'est que cette forme de vie est forcément nuisible pour les humains. A son contact, on se transforme en bébête zombiesque ultra violente et hyper agressive. Commence alors une course contre le temps pour rester en vie jusqu'à ce que la relève se pointe.

 

 

Sur le principe des slashers genre il n'en restera qu'un à la fin mais en pas gore, le réalisateur scénariste déroule une histoire classique sans réels rebondissements. On débusque dès le début celui qui s'en sortira peut-être. Le plus tourmenté, le plus traumatisé par le voyage aller. Il est la proie de souvenirs flippants le ramenant à une expérience traumatisante au cours de son voyage. Pendant qu'il lutte comme il le peut contre son trauma, ses acolytes succombent les uns après les autres. Et pour ne rien arranger, la nuit est tombée sur Mars et les batteries des différents engins sont à plat.

 

 

Un film de genre à la Quinzaine, pourquoi pas? C'est une idée mais malheureusement le film pêche par manque d'originalité. Certes le suspens est bon mais ça ne suffit pas à tenir en haleine jusqu'au bout. A signaler la présence au générique de Olivia Willimas rescapée de Ghost Writer. Peu habituée à la SF, elle dit s'être emballée pour ce projet d'emblée au moins pour le costume. Porter une combinaison d'astronaute n'est pas chose courante. Elle a vite déchanté et le réalisateur de confirmer que ses comédiens ont vraiment galéré sur ce tournage. Pas facile de jouer la comédie dans cet apparat et dans des espaces aussi confinés que ceux de cette base martienne, ou plus exactement jordanienne puisque le film a été tourné en Jordanie. LAST DAYS ON MARS, pas le meilleur film de la Quinzaine!

 

 

 

 

 

TEL PERE TEL FILS

 

 

Décidément, la sélection a été faite sur mesure pour Spielberg. Encore un film où les enfants se retrouvent en première ligne. Assez lent et bigrement prévisible, Kore-Éda se prend pour Chatillez et nous rejoue la vie est un long fleuve tranquille version nipponne et nettement plus mélo. Dans ce film, actuel favori pour la palme d’or, un couple de bourgeois élève depuis 6 ans leur fils unique. Leçons de piano, politesse, bonne manières, tout est calculé pour faire de ce fiston un winer. Calme presque même trop calme, limite peureux, il a tout de l'enfant idéal. Il est adorable. Un jour l'hôpital appelle pour convoquer les parents. Cet enfant n'est pas leur fils. Il y a eu inversion peu après la naissance. Le coup est rude pour les parents et le sera d'autant plus lorsqu'ils feront la connaissance des autres parents et de leur fils biologique. Des gens simples qui ont trois gamins. Se pose la question de l'échange. L'hôpital presse les deux familles d'agir le plus vite possible. Les semaines les mois passent. Pas question d'annoncer la nouvelle de but en blanc aux bouts de choux. Les deux familles passent régulièrement du temps ensemble pour apprendre à connaître leurs progénitures respectives. C'est la désillusion pour les bourgeois. Le père surtout qui ne jure que par la réussite à tout prix découvre un fils biologique qui n'est pas un modèle du genre. Il massacre le piano, se passionne plutôt pour sa console de jeux portable et ne sait même pas manger proprement avec des baguettes. Bref, la vie de cette famille est foutue et ce n'est pas le procès contre l'hôpital qui va réparer le préjudice.

 

 

Tel Père Tel Fils, en film qui parle de culpabilité. Celle de la mère qui n'a pas su déceler plus tôt que l'enfant qu'on lui refourguait n'était pas le sien. Le lien du sang est-il plus fort que le lien du cœur? Telle est l’autre question soulevée. Pas sûr. Peut-être aurait-il mieux valu ne pas échanger. Le travail et l'argent, la réussite professionnelle ne sont pas tout dans la vie. Au contact de son vrai fils, prenant modèle sur les gens simples, ce père va apprendre à devenir un autre genre de papa, qui passe du temps avec son enfant. Jouer, se fabriquer des souvenirs, lâcher prise, déconnecter, ne pas sacrifier sa vie de famille pour son job. Tant pis pour le confort matériel. Chez les humbles, on l’a bien compris. Même si l’argent fait défaut, ça respire le bonheur, la joie de vivre alors que les bourgeois sont comme enfermés dans leur sarcophage de luxe. Il n'y a pas de rire, que de la tristesse, de l'ennui depuis que leur faux fils a retrouvé sa vraie famille. Et les enfants dans tout ça? Eux aussi ils trinquent et regrettent leur vie d'avant.

 

 

Classique dans sa forme, le film pêche par fainéantise. Et ce ne sont pas les deux ou trois tentatives d'humour qui parviennent à rehausser l'ensemble. Le coup de la mamie qui s'éclate avec son petit fils à la Wii C'est moyen. Tel Père tel Fils avec une morale à la fin. Ce n'est pas toujours une bonne chose de reproduire le modèle d'éducation que son propre père vous a inculqué. Il faut savoir garder le meilleur et chasser le reste pour le bien de son enfant. Ceci dit, ce qui semble avoir conquis une majorité de festivaliers, c’est l’émotion qui se dégage. Voir un père inflexible enfin verser une larme après 2 heures de film, apparemment c’est le bon plan pour avoir une palme ! Nobody Knows…. verdict le 26 mai..

 

 

 

 

 

TIP TOP

 

 

Rien que pour voir Isabelle Huppert écorner son image et se faire défoncer la tronche par Samy Naceri, ce film vaut le détour. Il faut la voir couverte d'hématomes et de griffures sur le visage, le nez pété en train de laper chaque goute de sang qui coule de son tarin. Il faut voir aussi l'imposant Samy Naceri prêt à exploser la frêle Huppert mais qui devient docile dès qu'elle menace de lui frapper les burnes.  Bon évidemment, limiter TIP TOP à une scène d'amour vache serait bien réducteur.  Dans cette comédie policière Huppert incarne une enquêtrice de la police des polices. Amoureuse du protocole, on lui demande de descendre à Lille pour savoir ce qui s'est tramé exactement avec la mort d'un Indic de François Damiens. Il enquête sur les milieux algériens de la ville qui seraient mêlés à des affaires louches. La police locale pourrait couvrir quelques un des membres de cette mafia. Enfin je dis ça mais en fait je n'en sais rien. Car rien n'est clair dans cette enquête, à part peut-être une chose. Tip Top n'est qu'un prétexte pour parler d'intégration difficile des algériens en France. Parler aussi du mimétisme. Huppert comme à son habitude incarne une femme à poigne dirigiste. Elle fait équipe avec une pâte molle placardisée comme on dit, Sandrine Kiberlain. Elle a un travers, elle aime mater. Une manie pas compatible avec la police. Regarder des couples faire l'amour c'est son truc. Un simple mec torse poil qui fait la vaisselle dans l'appartement en face de sa chambre d'hôtel et c'est l'orgasme assuré. Mais au contact de sa nouvelle collègue qu'elle idéalise, elle va prendre de l'assurance et changer. Les deux ne perdent pas de vue Damiens. Il a recruté un nouvel Indic et se charge de le former. Mais le jeune type n'est pas une lumière. Il y a du boulot. Et les choses vont encore se corser davantage pour tout ce petit monde avec le suicide du commissaire principal sur le même lieu, la plage du lac, où a été assassiné l'indic.

 

 

Film inégal dont on ressort mitigé, Tip Top s’appuie néanmoins sur de belles trouvailles, de bons passages mais l'ensemble est plombé par un jeux souvent théâtrale de tous les seconds rôles. Le film a été écrit pour le duo Huppert-Kiberlain. Du sur mesure et on sent que les comédiennes prennent un réel plaisir. Elles s'amusent avec leurs personnages pendant que Damiens fait du Damiens surtout sur la première scène. Il faut le voir débouler dans un café algérien et insulter tout le monde de bico. « Je vous déteste et je déteste les pd. bande de pd bico je vous hais ». Les mecs lui tombent dessus. Burlesque à mort, on comprendra assez vite pourquoi cette scène de pure provocation, pour protéger sa nouvelle recrue décidément pas taillé pour le mensonge et l'observation. Le film joue sur plusieurs niveaux de comiques, burlesque on l’a dit mais aussi dialogues parfois savoureux. Mais la meilleur idée est sans aucun doute de ne proposer aucune résolution à l'enquête en cours. Fumiste ou pur génie ? Serge Bozon peut au moins se targuer d’avoir réalisé un film qui ne peut laisser indifférent.

 

 

 

 

 

HELI

 

 

Ce matin, je vous livre la recette de la salade de rognons flambés. Vous prenez un jeune mec. Vous commencez par le suspendre à croc de boucher planté au plafond. Pour le détendre un peu, vous le  tabassez avec une bâte de base-ball qui serait passée sous un rouleau compresseur, donc une planche de bois, mais épaisse la planche. Vous ne frappez que la partie dorsale de l’être humain. C’est important. Quand il tombe dans les vapes sous l’effet de la douleur, vous lui baissez le falzar d’un geste brusque. Si c’est bien exécuté, il ne se réveillera pas. Vous pourrez alors arroser à grand jet les roustons à l’aide d’alcool à brûler, standard genre alcool pour barbecue. Soyez généreux pour garantir une bonne et longue flambée. Vous mettez le feu. Et hop, c’est prêt ! Le pire, c’est que cette scène intervient au milieu du film, sans prévenir. Pas un bruit dans la salle, et pourtant ça crame un long moment sur l’écran. Les spectateurs, choqués ne disent rien, ce qui contraste avec la scène du cleps un peu avant… un gentil petit toutou inoffensif se fait tordre le coup en une fraction de seconde par un flic, et ça ne loupe pas. En cœur, les âmes fragiles laissent échapper leur petit cri de stupeur ou d’effroi. Mais pour les burnes brûlées, que dale. A croire que le spectateur est trop habitué à la violence faite sur les hommes qu’il préfère s’émouvoir quand un animal se fait tordre le coup !

 

 

Enfin bref, Héli a fait son effet hier soir, en ouverture de la compétition internationale. Bon choix pour mettre tout le monde au diapason. Le film débute en réalité sur un plan fixe. On est à l’arrière d’un pic up. On découvre la tronche défoncée d’un mec. On remarque surtout le godillot posé sur la tempe pour l’empêcher de bouger. Et puis la caméra avance lentement. Un autre gars, inconscient, allongé, est lui aussi dans un sale état. La caméra poursuit son mouvement. On pénètre alors à l’intérieur du véhicule. Soudain, la voiture s’immobilise non loin d’un pont. En deux temps trois mouvements, l’un des types est pendu à une corde et se balance depuis le pont. La voiture s’en va et le film peut enfin commencer. On aura l’explication de cette entame plus tard.

 

 

En fait, un jeune gars répond à une enquêtrice qui vient de toquer à sa porte. La scène permet d’apprendre qu’il s’appelle Héli, qu’il vit dans cette maison délabrée avec sa femme, son bébé, sa petite sœur et son père. Héli travaille comme papa à l’usine auto du coin. Sa sœur, elle, du haut de ses 14 15 ans en pince pour un apprenti soldat, pas encore adulte. C’est par lui que le malheur va arriver dans cette bicoque. Dérobant deux pains de coke qu’il n’aurait jamais dû voler, les narco trafiquants vont lui tomber dessus. Comme il a eu le malheur de planquer la came chez sa copine, la sœur d’Héli, c’est toute la famille qui va payer l’addition. Et elle sera corsée.

 

 

J’en reviens un instant à la fameuse scène de torture, maintenant que vous l’avez digérée. La mise en scène est édifiante, à montrer dans toutes les écoles de cinéma. Pendant que les deux victimes sont martyrisées, 3 gamins d’une quinzaine d’années s’amusent à la Wii à un jeu de baston, dans la même pièce. Ils s’arrêtent pour assister au spectacle, installés dans un canapé. Blasés, comme si c’était une habitude, ils se disent juste que les deux types qu’on torture, ont dû faire un truc pas cool pour mériter tel châtiment. Et pendant que les gars dérouillent, dans la pièce juste derrière, on aperçoit la mère d’un des tortionnaires qui regarde, elle aussi avec un air de blasée, genre… vous n’en avez pas marre les enfants! Brillante mise en scène de la part de Amat Escalante, qui en dehors de ça nous dévoile souvent des paysages arides le temps de longs plans fixes et larges savamment étudiés. Le décor est à l’image de la situation, aride, dans ce coin de la planète, le Mexique où la police corrompue est sans doute plus dangereuse que les trafiquants eux-mêmes. D’ailleurs, on ne s’étonnera pas qu’à un moment donné, une policière, qui a recueilli Héli dans sa voiture pour écouter ses confidences, l’interrompt subitement, lui déballe ses gros seins, lui demande de lécher ses mamelons généreux au prétexte qu’elle a eu un jeune amant une fois, qui la laissée tomber. Alors s’il voulait bien le remplacer quelques instants. Après tout, elle est policière. Elle a tous les droits. Héli plonge dans les gros nibards de la dame, puis se ravise et se fait traiter de PD avant de se barrer… il doit retrouver sa sœur qui a disparu car ce que je ne vous ai pas dit, c’est que rien n’effraie Amat Escalante qui va au bout du sordide et s’abstiendra de nous montrer ce qu’il advient de la gamine. On imagine alors le pire.

 

 

Amat Escalante, habitué du festival de Cannes puisque c’est sa troisième participation en 3 films, pour sa première incartade dans la compétition internationalle réussi un joli coup. Il parvient  parfaitement à retranscrire ce qu’est la vie dans un climat de peur permanente. Au Mexique tout le monde vit avec la peur au ventre et la violence est une réalité de chaque instant. « Il suffit de regarder la télé pour s’inspirer », dit le cinéaste. « Les images de pendaisons, de décapitations sont montrées sans retenue ». Même s’il n’a jamais expérimenté ce que vivent les protagonistes de son film, Amat Escalante a tenté de s’approcher au plus juste de la réalité. C’est aussi dans ce soucis de réalisme qu’il a tourné, comme à son accoutumée, avec des non professionnels, à l’exception du père de Héli. Tous les autres participaient pour la première fois à un film de cinéma, le genre que l’on pourrait bien retrouver au palmarès en fin de parcours. Les histoires d’enfants pas très bien traités, livrés à eux même, quand on connaît la filmographie de Spielberg, ça pourrait lui plaire ! Héli, en tout cas un film de la compétition cannoise, à retenir.

 

 

 

 

 

BORGMAN

 

 

 

Ça commence comme un Tex Avery. Comme un épisode de Bugs Bunny. Un clochard barbu dans son terrier est brusquement réveillé par le chasseur et ses amis. Le lapin barbu parvient à faire faux bond à ses assaillants en sortant par une autre issue. En chemin, il réveille deux de ses amis, eux aussi sommeillant dans des terriers. Ensemble Ils prennent la fuite mais se séparent une fois sortis du bois. Camiel Borgman le barbu demande l'hospitalité dans une maison huppée. Il dit connaître la maîtresse de maison, une infirmière Maria qui l’aurait soigné. Le problème c’est qu’elle n’est pas infirmière et qu’elle se prénomme Marina. Son mari expulse la cloche manu militari. Il le dérouille avant de faire une crise de jalousie auprès de sa femme. Il a prétendu que tu le connaissais. Tu le connais? Mais non. Etc.  Prise de remords face à la violence de son époux, Marina offre à Camiel ce qu'il était venu quémander: un bon bain bien chaud, le gîte et le couvert dans une cabane de jardin loin du regard de son mari. Le type s'installe pour une nuit ou deux et fini par s'incruster. Par téléphone, on lui demande si c'est déjà fait. Il répond non. De quoi épaissir le mystère autour de ce mec. Qui est-il? Quel but poursuit-il? D'où vient son pouvoir de séduction? Marina en pince pour lui. Au moment où il feint de partir elle le retient. Mais lui refuse de rester vivre caché dans sa cabane. A la limite, il pourrait prendre la place du jardinier. Mais il prévient qu’il y aurait  des conséquences mortelles. Se met en place un long segment drôle et efficace pour supprimer le jardinier, sa femme et se débarrasser des corps dans le lac voisin. Marina est en joie. Camiel désormais rasé de près, a réussi, au prix là encore d’une séquence jubilatoire, à se faire embaucher par son mari comme jardinier. Elle va pouvoir coucher avec lui. Mais il refuse. On ne couche pas avec la femme du patron. Il faut faire gaffe avec ça. Il y aurait bien une solution pour coucher ensemble… Vous devinez la suite ?

 

 

Borgman, de l'humour noir hollandais en force. Jouissif, on ne s'embarrasse pas de principe. Quand on veut faire taire un gênant, on lui colle une bonne mandale et c'est réglé. Et puis surtout rien n'est dit de ces gens qui sont aux ordres de Camiel. Ils ont une cicatrice dans le dos. Sont-ce des extra-terrestres? Des anges exterminateurs? Vu le choix de certains prénoms comme Isolde, vu la petite phrase au générique avant la première scène : Ils descendirent sur terre pour agrandir leur rang, on cherchera plutôt du côté de la bible. En plus, les premiers à pourchasser Camiel le grand barbu sont un paysan, un forgeron et un prêtre. Le réalisateur dit avoir simplement voulu faire un film pour montrer le fossé qui s’est creusé entre les classes sociales. Les très riches sont coupés du monde. Ils vivent dans leur bulle, leur petit confort sans jamais prêter attention aux plus démunis. Il y a de ça, c’est vrai, dans Borgman, mais il y a aussi autre chose, un film qui lorgne du côté du Théorème de Pasolini ou du Funny Games de Haneke. L’invité surprise de la compétition, Alex Van Warmerdam n’a pas enchanté tous les festivaliers en ce dimanche matin avec sa 8ème réalisation. D’aucun ont crié au remplissage, à la facilité à cause du manque d’explications. C’est vrai que le spectateur doit pour le coup faire un petit travail. C’est justement ce qui est génial. Borgman, c’est pas du pré mâché,  ce qui en fait un film qui pourrait bien finir au palmarès, un ovni légèrement zinzin avec en prime un acteur principal assez stupéfiant : Yan Bijvouet dit Borgman.

 

 

 

 

 

LES AMANTS DU TEXAS

 

 

Et si Bonnie and Clyde avaient eu un bébé ? Imaginez leur aventure ou plutôt leur fin de parcours. La police les attend dans leur cache. Ça mitraille. Le futur papa rend les armes mais s’assure avant que la future maman ne soit pas emprisonnée. Il essuie l’arme de sa tendre et douce avant de sortir les mains en l’air et d’endosser toute la responsabilité, surtout en ce qui concerne le flic blessé au cours de la fusillade. Les Amant du Texas, c’est un peu ça. Dans ce western moderne se déroulant dans les années 70, la romance s’invite pour même prendre une large place. Dans LES AMANTS DU TEXAS, les sentiments ont autant de puissance destructrices que les flingues. Se déroulant sur un rythme monstrueusement lent, la lourdeur de la situation s’en retrouve renforcée. Au début, Bob et Ruth, à leur arrestation passent un pacte. Bob promet qu’il s’évadera de prison un jour ou l’autre. Elle lui promet à son tour de l’attendre. Ils s’aiment envers et contre tout. Rien ni personne ne pourra remettre en question cet amour.

 

 

Au bout de 4 ans, une grosse ellipse plus tard, Bob parvient enfin à tenir sa promesse. Dans le village où il a été arrêté, la nouvelle se reprend. Ses ennemis rappliquent. Ils savent que Bob et Ruth étaient très liés. Ils savent qu’il va revenir. Ils savent surtout qu’il a planqué un gros paquet de fric et avant de lui faire la peau, ils aimeraient bien mettre la main dessus. Quand Ruth apprend elle aussi que Bob est en cavale, elle est toute retournée. 4 années viennent de s'écouler. Même si son amour pour bob est resté intact, la fuite, la clandestinité, le danger, ce n'est plus pour elle. Elle est devenue une maman responsable, qui aimerait aussi se poser, élever sa gamine. La sécurité. Voilà ce qu'elle recherche. Et pourquoi pas dans les bras du flic qu'elle a visé 4 ans plus tôt mais qui ne sait rien de tout ça. Il est proche d'elle. Il l'aime. Elle pourrait l'aimer aussi. Voyez la complexité de ce triangle amoureux.

 

 

LES AMANTS DU TEXAS avec l’abonné aux rôles de bouseux Casey Affleck. Même si il a toujours cet accent texan à couper au couteau, il ne se répète pas pour autant, dans la mesure où il jouait un ambitieux rongé par la colère dans L’Assassinat de Jessie James, un psychopathe dans The Killer Inside Me, et ici un braqueur romantique. Lors de son évasion, il est à ce point obnubilé à l’idée de revoir son amour et sa progéniture, que rien ne peut l’arrêter et surtout pas les mises en garde de ses anciennes connaissances. De son côté, Rooney Mara est formidable en Ruth, une femme tiraillée entre différents sentiments. Cette dualité amoureuse, son secret, son nouveau rôle de mère sont autant de facettes qui lui permettent d'étaler toute une palette de jeu. La réalisation, le montage et la musique qui lorgne sur celle de L'assassinat de Jessie James finissent de compléter ce très beau  tableau, un film multi genre particulièrement réussi.

 

 

 

 

 

BLUE RUIN

 

 

 

Une histoire de vengeance maladroite menée par un type pas taillé pour tuer donc une histoire forcément touchante qui peut parfois prendre des accents hilarants. Dwigth est un vagabond. Il vit dans sa voiture délabrée, rouillée, percée d’impacts de balles. Elle est posée pas loin d'une plage et d'un parc d'attractions. Solitaire, il a perdu le goût de la parole. Alors quand une policière l'invite à venir au commissariat, c'est sans un mot qu'il la suit. Il n'a rien fait. Il peut se rassurer. On lui apprend simplement la nouvelle. Le tueur de l’état de Virginie de 1993 est sur le point d'être libéré. Toujours muet, il prend ses clics et ses clacs, lève le camp, rassemble ses maigres économies pour essayer d'acheter un flingue, écrit une carte postale, la dépose dans une boîte et s'en va. Direction le centre pénitentiaire pour accueillir le taulard et visiblement lui régler son compte. Mais il n'est pas seul. Une limousine arrive. A son bord, 2 hommes et 2 femmes. La famille de l’ex prisonnier. Il suit ce petit monde parti fêter l'événement en discothèque. Dans les toilettes, il trouve une occasion d'assouvir sa vengeance et ne la manquera pas. Il plante un coup de couteau dans la nuque puis, après avoir maîtrisé sa victime qui se débattait, parvient à lui enfoncer sa lame dans la tempe. Le type gît dans son sang. Sans panique, il ferme le robinet du lavabo, quitte les lieux, les habits maculés de sang. Il court à sa voiture et au moment de démarrer s'aperçoit que dans la bagarre il a perdu ses clefs sur la scène de crime. Impossible d'y retourner. Pour assurer sa fuite, il vole la limousine. Le film peut redémarrer car après ces 20 premières minutes fabuleuses, il réagit que la carte grise de sa voiture est restée dans la boîte à gants. Problème. Elle est au nom de sa sœur. Autre problème, dans cette région des États Unis on ne fait pas appel à la police pour régler ses problèmes. On s'en charge soit même. Blue Ruin joue très habilement sur le détournement de tous les stéréotypes du genre. A titre d’exemple, le marginal rate sa cible à 2m. Et le pire, c’est que c’est lui qui est blessé par une flèche en acier. En tentant de retirer lui-même la flèche dans sa jambe, il s’auto mutile et est finalement obligé d’aller à l’hôpital pour se faire soigner !

 

 

Blue Ruin, un polar jouissif et malin. Un film de vengeance sanguinaire, violente, mais attention, pour une fois, le cinéaste se place clairement du côté des anti-loi du talion. Il ne sert à rien de vouloir tuer quelqu’un qui vous a fait du mal. En plus, rien ne vous dit que vous n’allez pas vous gourer de cible ! Plus le film avance, plus les motifs de vengeance sont exposés et plus l’on comprend que ce vagabond se fourvoie. Lui-aussi le sait bien. Et dire que tout le monde risque d’y passer pour une bête histoire d’amour… L’amour, ça peut effectivement être mortel aux Etats Unis, pays de la libre circulation des armes à feu plus qu’ailleurs. Derrière ses apparences de polar, Blue Ruin relance en effet ce débat sur les armes et prône un arrêt total de la commercialisation, un contrôle plus strict. Le réalisateur de déclarer que « les américains ne savent pas utiliser ni leurs fusils ni leurs revolvers, autant les leur retirer ! », une position hautement défendable, sauf par Hollywood… Produit loin des majors, Blue Ruin a pu voir le jour grâce au soutien des internautes, et plus précisément des utilisateurs de Kickstarter, Jérémy Saulnier peut se targuer d’avoir réalisé un film destiné à plaire aux cinéphiles les plus pointus aussi bien qu’aux fans de Die Hard, dixit le cinéaste. Et le pire, c’est qu’on lui donne volontiers raison. A signaler que l’acteur principal, Macon Blair est exceptionnel dans la défroque de pauvre gars pas taillé pour la mission qu’il s’est donné.

 

 

 

 

 

LE PASSE

 

 

Punaise ! Ma conscience m’avait prévenu. Elle me l’avait dit… Ce film là, tu ne devrais pas le laisser filer… Alors ce matin, comme j’étais parti pour rattraper SUZANNE, le film d’ouverture de la Semaine de La Critique, et qu’il y avait une queue infinie, synonyme de : « Vous ne rentrez pas Monsieur c’est complet », j’ai écouté ma conscience. Je suis allé voir LE PASSE de l’iranien Asghar Farhadi. Concourant pour la palme d’or, il met en scène Bérénice Béjo, Tahar Rahim et Ali Mosaffa dans les rôles titres. Bouleversant film que celui-ci. On croirait du Haneke avec l’émotion en plus. Tout est très mathématique, bien calculé dans cette histoire d’amour dramatique. Ceci dit, le reproche qui pourrait lui être fait, c’est de répéter finalement son précédent métrage, UNE SEPARATION qui lui avait valu un ours d’or à Berlin. On est quasiment sur les mêmes thématiques, quasiment toujours en huis clos, et avec des personnages qui se méprennent, et aident le spectateur à y voir plus clair à chacune de leurs déclarations. Ceci dit, l’action dans LE PASSE est nettement plus linéaire et se déroule cette fois à Paris mais Farhadi ne fait pas un film touristique! On est au bord d’une ligne de RER, en banlieue. On prend le métro. On voit deux rues anodines au centre de la capitale, une pharmacie et un pressing et puis c’est tout… pas de monuments dans LE PASSE.

 

 

Pour tout dire, après quelques années de séparation, Ahmad débarque à Paris depuis Téhéran, à la demande de Marie, son épouse française. Ils doivent finaliser leur divorce et pour cela, aller signer ensemble les dernières formalités chez le notaire. Lors de son bref séjour, Ahmad découvre que Marie entretient avec sa fille Lucie, des rapports particulièrement conflictuels. Ahmad, qui apparaît très vite comme le médiateur, va, à la demande de Marie, tenter de tirer les verres du nez de sa fille. Pas facile car l’adolescente passe le moins de temps possible sous le toit familial. Au cours d’une conversation, elle avoue tout de même à Ahmad qu’elle n’accepte pas que sa mère veuille refaire sa vie avec un autre homme. « Avec elle, c’est toujours pareil… les mecs s’installent, restent 3 ou 4 ans et ils se cassent. J’ai pas envie que ça recommence », dit-elle à Ahmad.

Marie a une autre fille plus petite, qui elle, s’accommode plutôt bien de cette situation. En plus, le nouveau compagnon de sa maman, Samir, a un enfant Fouad, qui a l’âge de la petite. Ce demi-frère est le bienvenu, surtout pour faire des conneries. Mais Fouad par contre, vit mal cette situation. Colérique, il exige de rentrer dans sa vraie maison. Quand Ahmad le négociateur lui demande s’il peut appeler quelqu’un, chez lui, pour l’aider, le gamin répond qu’il n’y a personne chez lui. Il vit ici, chez Marie, avec son père. On se dit alors que LE PASSE n’est rien d’autre qu’un film sur la difficulté que rencontrent les familles recomposées. Comment les enfants trouvent-ils leur place dans une nouvelle cellule familiale? Quelle autorité peuvent avoir les parents sur un enfant qui n’est pas d’eux et à qui on impose cette situation? Comment gérer au quotidien les conflits qui éclatent pour un rien. Ce serait mal connaître Asghar Farhadi. Ahmad, brillant observateur, confident de tous les personnages, va découvrir un élément qui va tout changer. Le nouveau compagnon de Marie est toujours marié. Sa femme est dans le coma depuis 8 mois. Dépressive, elle a tenté de se suicider. Mais pour quoi? A cause de qui? Quel a été l’élément déclencheur? Qui est le fautif? Qui est la fautive? Commence alors une enquête pour Ahmad, histoire de dénouer ce sac de nœud, de briser certaines idées fausses, d’aider à casser certains silences et à rétablir la vérité. LE PASSE devient un polar sentimental passionnant, palpitant, avec des fausses pistes qu’on abandonne et des rebondissements surprenants. L’enquêteur Ahmad agit de manière mathématique, systématique. Il suit les ordres de Marie qui lui demande de faire parler Lucie. Il écoute Lucie. Il parle avec Samir, avec son fils Fouad… Bref, il récolte toutes les pièces du puzzle et le remonte ainsi jusqu’au dénouement.

 

 

LE PASSE un film sur le poids de la culpabilité, pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Un film vraiment bouleversant porté par des acteurs d’une rare justesse. Ali Mosaffa tout d’abord, alias Ahmad est un catalyseur involontaire. La situation lui échappe complètement. Il est venu tourner une page et se retrouve au centre du conflit, observateur mais aussi acteur. Il fait le lien entre les personnages, pose les questions, fait avancer l’histoire. Il est le réparateur quelque part: un évier fuit, il met les mains dans le siphon. Un couple se noie, il lance sa bouée de sauvetage à Tahar Rahim et Bérénice Béjo, Béjo qui trouve ici un rôle à sa mesure. C’est en la croisant sur la promo de The Artist que Asghar Farhadi a décelé son talent. Il n’avait qu’une légère appréhension. Bérénice est une femme sure d’elle, qui ne doute pas, jamais… Tout le contraire de son personnage. Serait-elle à la hauteur ? La réponse est oui. Elle est tout à fait crédible en Marie. Petite parenthèse sur Bérénice Béjo. Au tout début du film, elle apparaît à l’écran le temps d’une scène muette. Elle est séparée par une vitre, à l’aéroport, de son ex compagnon. Ils parlent sans s’entendre, font des gestes. Le clin d’œil au cinéma muet et à The Artist est plutôt marrant. Une manière habile de dire : vous l’avez aimé muette ? Vous allez l’adorer avec la parole! Adorer aussi le gamin Fouad joué par Elyves Aguys. Farhadi dit à quel point les enfants sont importants dans un film et qu’il aurait bien de la peine à s’en passer. Avec eux, on ne joue pas. Ils apportent une vérité, une émotion que l’on ne peut pas recréer. C’est le cas effectivement lorsqu’il pique sa colère devant sa nouvelle maman d’adoption Marie, on croirait une vraie colère. Lorsqu’il s’oppose à son père Tahar Rahim, dans le métro et qu’il ouvre les yeux sur la tentative de suicide de sa mère et le fait qu’on devrait peut-être la débrancher de ses appareils, on a les poils qui se dressent… LE PASSE, de Asghar Farhadi sera forcément au palmarès en fin de parcours.

 

 

 

 

RETURN TO NUKE EM HIGH

 

 

 

Loin du tapis rouge, du palais des festivals ou du Théâtre Croisette, je me suis rendu dans une toute petite salle pour voir la dernière réalisation de Lloyd Kaufman. Les habitués du LUFF à Lausanne connaissent l'animal. Ambassadeur de l'écurie Troma, il organisait une projection en 1ère mondial de RETURN TO Nick Em High... Cette séance s'inscrivait dans le cadre de l'opération Occuped Cannes qui consiste à profiter de l'affluence massive de journalistes et acheteurs du monde entier pour faire découvrir le cinéma indépendant registre série Z. Et pour le coup j'ai bien ris et la centaine de spectateurs aficionados du maître du cinéma déglingué en a fait de même. Le film se présente comme un Teenage movie à Tromaville. Oubliés les ennuis d'antan liés à l'industrie nucléaire. Désormais la vie est paisible à Tromaville sauf que la cantine de la High School est approvisionnée par Tromaorganic, un industriel peu regardant sur la qualité des matières premières. Et pis surtout, des fois, dans la bouffe, on trouve une oreille humaine, de quoi affoler la presse qui titre immédiatement : All You Need is Lob…. Ta talalala…

 

 

 

En fait la bouffe à base de tacos dégueu est contaminée. Quand on l’ingère, les yeux deviennent tout vert et on gerbe du coulis de brocolis avec des gros morceaux. Dans le pire des cas on explose. Dans le meilleur, on se transforme en punk à crête. C'est ce qui arrive à la choral des loosers de l'école. Ils chantent affreusement mal mais une fois métamorphosés en punk, ils deviennent les rois du gospel. Horreur malheur, tout le monde les fuit d'autant qu'ils sont violents et méchants. Au bout d'un moment ils contaminent tout le campus. En face d'eux, un groupe d’écolos contaminés aussi décide de leur mener la vie dure. Mais au cours d’une fête, tout dégénère… Vous le devinez, c’est n’importe quoi, mais dieu que ça fait du bien de se vider la tête avec un film où une oie Kévin n’arrête pas de larguer des caisses, où l’on fait une pause de 5 à 10 secondes sur les seins des filles, où ça éjacule des litres de sang, ou une fille qui se découvre homo, se retrouve malheureusement avec un pénis énorme qui lui pousse, un engin en papier mâché d’au moins 1 mètre avec un diamètre incroyable, un engin qui lui permet d’assommer ses assaillants.  C’est délire. Y a parfois un coté Benny Hill derrière tout ça. Quand on balance un chien depuis un pont, à l’atterrissage, c’est une peluche qui s’écrase sur le sol. Les effets spéciaux sont volontairement cheep. Rien que la scène d’ouverture est géniale… un lombric en forme de pénis, évidemment, sort d’un tuyau de chauffage. Il se dirige vers un couple en train de faire l’amour… la fille a un doute en même temps qu’un orgasme terrible. Elle dit à son copain… Mais dis donc, tu m’avais caché que tu avais deux phalus… Ah ben non… j’en ai qu’un ! Non mais t’arrête pas… continue.. .Alors il continue et au moment où il comprend ce qui se passe, c’est trop tard,. Le verre s’est introduit dans son trou qui pète et le type est possédé par le verre. Il finit par avoir son propre membre qui lui reste dans la main. Il tombe comme une branche morte. Comme il a jouit un liquide rouge brûlant, sa partenaire se décompose et reste alors un simple squelette. Le ton est vite donné ! Evidemment qu’avec des idées pareilles, on n’est pas près de voir un film Troma en compétition un jour. Pourtant, ce serait génial… j’imagine la montée des marches avec que des bites géantes… enfin bref, n’y pensons pas. Tout ce que je peux dire c’est que voir à Cannes Return To Nuke Em High de Lloyd Kaufman, ça fait partie des grands moments de cette 66ème édition. N’empêche que c’est le volume1… j’ai hâte de voir la suite, le volume 2, parce que ça s’arrête en plein milieu de l’histoire. Je sais pas comment ça se termine !

 

 

 

 

 

BLING RING

 

 

 

Tiré d'un fait divers, la réalisatrice dépeint des ados qui rêvent de vivre la vie de leurs vedettes préférées, Paris Hilton en tête.  La superficialité, voilà ce qui caractérise ces flashion victimes cambrioleuses. A force de dévorer les photos des magazines de mode, elles ont fini par prendre l’habitude de pénétrer dans les villas des starlettes pour faire leurs commissions directement dans les dressings. Autant effectivement se servir à la source. Arrêtées, elles ont écopé de prison ferme et de grosses amendes. Le butin de ce gang baptisé par Vanity Fair de gang des bling ring s'élevait tout de même à 3 millions de dollars. Leur petit manège a duré presque deux ans. Il faut dire que leur combine était bien rodée et leur plan imparable. En traquant l’agenda des célébrités sur Internet, elles savaient précisément quand les villas étaient vides. Et hop, les Louboutins étaient dans le sac Louis Vuiton, et les bijoux dans le 2.55 Chanel jaune pétant. Pour les robes Isabel Marrant, directement sur le dos! Au bout du compte, c’est la combi orange de taulard qu’elles ont du supporter !

 

 

 

Bling Ring, un film à l’image de ses héroïnes et de son héros : superficiel. Rien à voir avec Somewhere, le précédent, tout de même un peu plus intéressant. Sofia Coppola offre un film plus rapide, qui tourne parfois à vide. Elle multiplie les scènes d’intrusion dans les maisons et forcément, c’est un peu toujours le même rituel. On entre sans effraction. On se dirige vers le dressing. On crie des Oh My God en rafale. On pique des trucs, des fois même, on emprunte une Porsche pour la soirée. On part en virée. Et on recommence… jusqu’à ce que la police démantèle le gang. Là, c’est les jérémiades, les pleurs. Comme des mômes. J’ai pas fait exprès. C’est pas moi c’est l’autre. Au final, le verdict tombe et deux d’entres elles ont aujourd’hui un show à la télé! Dans cet univers glamour, ces ados ne réagissent pas qu’ils ont franchi la ligne. Pour eux, c’est normal de se servir. Et puis, ces vols leur ont apporté une certaine notoriété dans leur entourage tout du moins. Avec leurs fringues dernier cri et leurs pompes à la mode, toutes les boites les plus hype leur ont ouvert leurs portes. Ils pouvaient ainsi participer aux mêmes fêtes courues des célébrités qu’ils détroussaient. L’histoire dit aussi pas mal de chose de cette génération Facebook et Twitter. Tout les moyens étaient bons pour se prendre en photo et exister sur le Web. Ces gamins sont allés si loin que le public a éprouvé une sorte de fascination pour eux, un peu comme Coppola finalement. Jamais elle ne les juge. Jamais, elle ne les présente comme des cambrioleurs, seulement comme ce qu’ils sont finalement, des mômes inconscient attirés par le vedettariat, la vie facile, les belles choses, les fêtes, la coke, l’argent. The Bling Ring, un film léger parfait pour l’ouverture de un Certain Regard. Sortie en salle prévu le 12 juin.

 

 

 

 

 

JEUNE ET JOLIE

 

 

 

Ce matin était dévoilé JEUNE ET JOLIE en compétition l’un des films français, celui de François Ozon avec Marine Vacth, Géraldine Pailhas, Frédéric Pierrot entre autre. je vous lis le pitch : le portrait d’une ado de 17 ans en 4 saisons et 4 chansons. Qui dit chanson fait penser à 8 Femmes ? Bonne question, mais non. Jeune et Jolie n’est pas une comédie musicale. Les 4 chansons sont tirées du répertoire de françoise Hardy préiode sixtees et seventies. En fait, le film se découpe en 4 actes. Logique, y a 4 saisons! Isabelle 17 ans, est sur le point de quitter le monde de l'enfance pour entrer dans l'âge adulte. Après avoir perdu sa virginité sur une plage en été avec un jeune allemand (qui a dit que les rapports franco allemands étaient tendus ?), la jeune et jolie Isabelle sous ses faux airs de Laetitia Casta jeune, devient prostituée dès la rentrée en septembre à Paris.  On pourrait croire à une petite bourgeoise qui ne cherche qu'à s'encanailler. Mais non. On pourrait croire qu'elle aime le sexe tout simplement? Non plus. Elle tire toujours la gueule et ne prend jamais son pied, sauf dans les bras d’un type qui pourrait être son grand père. On pourrait soupçonner aussi François Ozon de sombrer dans la psychologie de bazar. Le père biologique d’Isabelle est absent. Sa mère qui s’est recasée et avec qui elle vit, dit que les choses se passent bien. Il n'oublie jamais Noël et son anniversaire et les 500 Euros qui vont avec. Il paye la pension. Mais il n'est pas là. A priori, Isabelle s’en fout et semble le vivre plutôt bien… A chaque fois ceci dit qu’on aborde le sujet, elle botte en touche. Y a tout de même un trauma mine de rien… Le sexe avec des vieux pour remplacer cette figure manquante serait l'explication? Non… Trop facile, trop bateau. Pas assez Ozon ! L'argent n'est pas son moteur non plus, parce qu’elle en gagne du pognon, un gros paquet, mais elle ne le dépense pas… Alors pourquoi devenir prostituée à 17 ans ? Ozon choisi de ne pas donner d’explication et de laisser le spectateur libre de le faire tout seul comme un grand. Chacun se positionnera pour démasquer les motivations d’Isabelle et puis voila.

 

  

Pour tout dire, Ozon a une idée derrière la tête quand il se lance dans ce film. Il veut renouer avec ses premiers films, période Goutte d’eau sur pierre brûlante ou Swimming pool, quand il scrutait l’adolescence. C’est en réalisant Dans la Maison, son avant dernier film qu’il a repris goût à travailler avec des jeunes. Après avoir filmé un garçon, il lui fallait une fille pour montrer ce qu’est l’adolescence loin des images traditionnelles dont nous abreuve le cinéma en général. L’adolescence, et plus précisément, le passage à l’âge adulte est une période cruciale. A ce moment, on martyrise son corps en cherchant ses limites. On se biture, on se drogue, on se fait du mal et dans le cas présent, on se prostitue. Oui, la prostitution semblait donc une voie toute tracée pour mener cette expérimentation à bien. Et finalement, plus le film avance, et plus l’on se rend compte que Isabelle n’a pas le goût du sexe, mais celui de la clandestinité, du secret, de l’interdit. Comme le disait Rimbaud, on n’est pas sérieux quand on a 17 ans. Isabelle, n’est pas du tout sérieuse. Le reproche que je lui ferais, c’est sur la représentation même de la prostitution, tout sauf glauque. Isabelle tombe vaguement sur un type à peine violent, verbalement, une fois. Le reste du temps, tout se passe normalement. C’est dit, par une policière à un moment donné : vous avez eu de la chance. Il y a des vrais tarés qui vont aux putes. Vous auriez pu en rencontrer ! Mais la remarque glisse. C’est ça qui l’excitait avant toute chose. Choisir ses clients, son tarif, ses fringues. Suivre toujours le même rituel et n’accepter des rdv que dans des hôtels au minimum 2 étoiles. Présenté comme l’un des films sulfureux de cette année, JEUNE ET JOLIE n’a rien de tout ça. Un brin décevant, on a connu Ozon mieux inspiré, plus pervers.

 

 

 

 

 

Cannes vs Hollywood

 

 

Ça y est. Ca commence. La 66ème édition du Festival de Cannes va débuter dans quelques heures, une édition placée, selon la presse people sous le signe du glamour. Il se dit que les vedettes américaines seront nombreuses à souiller le tapis rouge, en rang d’oignon derrière le président du jury : « ET », Spielberg, si vous préférez. Mais que l’on ne s’y trompe pas, la présence massive des journalistes américains venus traquer sur la Croisette les moindres faits et gestes des Gi Joe du box office US n’est qu’un leurre, un stratagème hollywoodien de plus prompte à brouiller les pistes et à masquer encore davantage la guerre invisible mais bien réelle qui se joue depuis 15 ans entre l’industrie à rêve amerloque et le festival des paillettes Frenchie. 15 ans que ça dure, 15 ans que Hollywood use et abuse de son arme de destruction massive préférée : le boycott qui ne dit pas son nom, sournoise manœuvre pour mettre à terre le Rdv mondial du 7ème art. Vous ne le saviez pas ? Moi non plus avant de tomber sur le seul article de presse pré cannes digne de ce nom et surtout digne d’intérêt. Il est l’œuvre du cinéaste tunisien Ferid Boughedir et a été publié dans le magazine mensuel LA REVUE, numéro 32, celui du mois de mai.

 

 

Sous le titre CANNES CONTRE HOLLYWOOD, Ferid Boughedir décrypte et prouve, chiffres à l’appui, que sous le tapis rouge se dissimule un gros paquet de caca(nne) ! La discorde tient au fait qu’Hollywood voit en Cannes un formidable tremplin pour la promotion de ses produits en Europe. Sauf que, contrairement au consommateur américain qui en été court les drive in et se rafraîchit dans des salles climatisées, le cinéphile européen préfère se pavaner au soleil sur des plages de sable fin, reprenant le chemin des salles de cinéma à la rentrée de septembre. Pour les stratèges hollywoodiens, le cinéphile européen est une plaie et le festival de Cannes en mai, une sombre connerie qui coûte chère et rapporte pinuts. En effet, l’impact publicitaire et médiatique obtenu en mai ne sert plus à  rien en septembre. C’est pour ça que la MPAA, association qui regroupe toutes les majors hollywoodiennes a exigé que le festival change ses dates ! Mais les gaulois Gilles Jacob et Thierry Frémaux ont résisté face à cet envahissant partenaire et ont fini par envoyer se faire voir Mickey et ses amis. Evidemment que l’oncle Sam Picsou n’a pas apprécié ce fâcheux revers. Depuis, un boycott discret mais bien réel de toutes les majors s’est mis en place à Cannes. Et sans le soutien des majors, c’est moins de stars au mètre carré sur le tapis rouge. Cannes, en se tournant vers le cinéma indépendant américain pensait avoir trouvé la parade. Mais les cinéastes du circuit indé, aussi talentueux soient-ils, ne pèsent rien économiquement parlant. Férid Boughedir continue en précisant que même si les duettistes à la tête de Cannes campent sur leur position, il n’empêche qu’ils multiplient les opérations séductions en choisissant depuis 15 ans des maîtresses et maîtres de cérémonies connus du public us : Virginie Ledoyen en 2000 et 2002. Elle a eu pour partenaire Di Caprio dans LA PLAGE. Monica Bellucci, Vincent Cassel, Diane Krueger, Bérénice Béjo, Audrey Tautou cette année. Elle joue dans L’Ecume des Jours de Gondry, le plus américain des cinéastes français. Même ligne pour le choix des présidents de jury. Soit ils sont américains comme Sean Penn, Tim Burton ou Steven Spielberg, soit ils sont connus des américains comme Kusturica, Wong Kar Way ou Stefen Frears. Et les appels du pieds appuyés se multiplient encore via le choix de l’affiche, Marylin Monroe l’an dernier, Paul Newman cette année. Rien n’y fait, le boycott continue.

 

 

Il faut dire, à la décharge d’Hollywood que ses films et leurs produits dérivés sont devenus le premier produit d’exportation de l’Amérique, devançant l’aéronautique. Du coup, tous les moyens sont permis pour que l’usine à rêve qui tire 40 pour cent de ses profits sur le marché mondial poursuive son offensive. En fait, ce qui se joue à Cannes n’est que le reflet de cette guerre économique qui oppose les industries du cinéma américaines et françaises. Alors que pratiquement partout dans le monde, Hollywood détient plus de 50 pour cent des parts de marché (regardez en Suisse le nombre d’écrans monopolisés par les films US chaque semaine), en France, on se situe en dessous, aux environs de 45 pour cent! Une honte, un affront intolérable. On se croirait en Corée du sud, un temps boycotté par Hollywood. On peut les remercier car ça a relancé la production nationale et aujourd’hui que ce boycott là a été levé, les coréens, habitués à leurs films, ne vont plus voir les merdes américaines!

 

 

Hollywood est donc prêt à tout pour torpiller la vitrine cannoise. Evidemment, ça se fait sournoisement. Avec le retour massif dès l’an dernier de films américains dans la compétition, on pouvait croire à un signe de détente dans cette guerre. Que néni. Il s’agissait de 5 productions indépendantes et en plus 2 métrages étaient réalisés par des non-américains. Cette année, c’est la même chanson. Gatsby en ouverture a été retenu uniquement pour attirer Di Caprio, mais c’est un australien qui le réalise, Baz Lhurmann. Pour les frères Coen, Alexander Payne, James Gray, Jim Jarmush, retenus dans la compétition, ils jouent en seconde division et n’affolent jamais le box office. Steven Soderbergh a quant à lui été rattrapé in extrémis. L’ex palmé s’est sans doute souvenu que Cannes l’avait mis au monde. Dans son sillage, il embarquera Micheal Douglas et Matt Damon. Pendant ce temps là, dans la section Un Certain Regard, All is Lost et Max Rose permettront juste d’inviter Redford et Jerry Lewis..

 

 

Le seul vrai signe de détente, c’est qu’Hollywood consent a refourguer un blockbuster poisseux chaque année. X Men3 en 2006, Ocean 13 en 2007, Indiana Jones 4 en 2008, Up 1 en 2009, Robin des Bois 1 en 2010, Pirate des Caraïbes 4 en 2011 et Madagascar 4 en 2012. Remarquez qu’à deux exceptions près, il s’agit de franchises juteuses dont les investissements publicitaires exorbitants ont été rentabilisés dès le premier volet. Aucune prise de risque donc. La logique commerciale continue à dicter sa loi à Cannes comme ailleurs, mais cette fois, grâce à Ferid Boughedir et cet article publié dans le mensuel LA REVUE, les choses transparaissent enfin….Merci Ferid. Merci La Revue….

 

 

 

 
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